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Cette page a pour but de décrire tout ce qu'il est possible de faire quand le pire arrive; pour ne rien regretter.

 

Voici dans "l'idéal", comment une IMG peut se passer. C'est la pratique de l'Hôpital Jeanne de Flandre à Lille. Ce n'est pourtant pas ce que nous avons vécu avec Lisa...

 

Le recours de plus en plus fréquent à l'interruption médicale de grossesse (IMG) a conduit les soignants de maternité à réfléchir et faire évoluer leurs pratiques en matière d'accompagnement des couples confrontés à un décès périnatal provoqué, mais aussi spontané.

Notre pratique actuelle au CHRU de Lille (une centaine d'IMG par an) est le résultat de notre expérience clinique au cours de cette dernière décennie dans l'accompagnement du décès périnatal, de conclusions d'une enquête (1) réalisée en 1993 sur le vécu maternel un an après une IMG et de témoignages spontanés de parents (hospitalisés dans notre service ou ailleurs).  De plus, cette pratique ne se conçoit que dans le cadre légal réglementant l'IMG et les déclarations à l'état civil.

L'objectif de notre prise en charge est de permettre aux parents de vivre le moins mal possible le traumatisme de l'IMG et de prévenir la survenue de complications psychopathologiques. L’accompagnement consiste pour nous en une suite de propositions envisagées dans un cadre-repère, et non en une série d'obligations à remplir dans un protocole préétabli.  Envisagé ainsi, il permet un cheminement parental par étapes successives et laisse une certaine autonomie aux parents quant aux décisions à prendre tout au long de ce difficile parcours.  Les propositions concernant l'accueil de l'enfant et la prise en charge de son corps sont systématiquement présentées aux parents, comme en cas de décès spontané, à partir du terme de 22 semaines d'aménorrhée (seuil OMS).

Entretien avant hospitalisation 

hospitalisation avant l'accouchement

L'accouchement 

Après l'accouchement

Déclaration à l'état civil

Conclusion

Bibliographie


Entretien avant hospitalisation

Dans notre service, le premier entretien avant l'hospitalisation est assuré par l'obstétricien référent qui a accompagné le couple avant sa prise de décision d'IMG.  Il s'agit de transmettre au couple une série d'informations et de propositions concernant d'une part l'accouchement et d'autre part la prise en charge de l'enfant (accueil et devenir de son corps).  L’expérience dans l'accompagnement des parents confrontés à une IMG nous montre que ce sont la précocité et la clarté de ces informations et propositions qui permettent au couple d'amorcer le travail psychique nécessaire pour vivre des événements a priori impensables à ce stade.  Quand la possibilité de voir l'enfant est présentée au couple et le devenir de son corps envisagé, les parents passent brutalement d'une réflexion intellectuelle sur l'interruption de grossesse à l'arrêt de la vie de l'enfant.

Il est transmis au couple que, pour nous soignants, à partir de 22 SA (seuil OMS), le fœtus est un enfant et qu'il sera pris en charge par l'équipe avec le respect qui s'impose pour chacun de nos patients (cf. articles 2 et 38 du code de déontologie médicale).  Les parents sont ainsi assurés qu'au moment venu, s'ils n'ont pas les possibilités psychiques ou matérielles d'accueillir l'enfant, de s'occuper de son corps et d'organiser ses funérailles, nous le prendrons en charge.  Ils pourront d'ailleurs connaître, s'ils le désirent et même longtemps après, les modalités de cette prise en charge.  Ils apprennent également que leurs souhaits seront respectés par tous les intervenants.

L’état de l'enfant à la naissance est évoqué, car il conditionne la déclaration et les funérailles (cf. article M. Dumoulin) : naissance vivante possible (IMG précoce ou malformation rapidement létale, IMG d'indication maternelle) ou naissance d'un enfant décédé (spontanément ou après foeticide).  Dans notre centre, le geste foeticide n'est en effet pas systématique.  Il n'est effectué qu'en cas de malformation non rapidement létale et qu'à un terme supérieur à 25 SA.  Quand le geste doit être réalisé, les raisons en sont expliquées, en particulier le respect de la législation.  Cette information préalable a permis aux parents de demander un délai à la réalisation de l'IMG pour atteindre le seuil de déclaration à l'état- civil.  Le couple est aussi préparé à l'aspect de l'enfant selon la malformation et le terme.  Il est prévenu que des photos seront systématiquement prises à leur intention et qu'elles seront à leur disposition s'ils les désirent.  Des propositions, qui ne seront jamais des obligations, sont présentées, leurs motifs expliqués : donner un prénom à l'enfant; le rencontrer à l'accouchement ou après (y compris après la réalisation de l'autopsie); ramener des habits (présenter un enfant vêtu à la famille, c'est présenter son enfant, l'humaniser; un enfant nu, c'est présenter la mort); organiser avec notre aide et celle de leur famille un rituel d'adieu et des funérailles.  Une rencontre avec le référent médico-administratif, le psychologue ou l'aumônier est possible dès cette étape.

L'obstétricien explique, avant l'hospitalisation, l'intérêt et les modalités de l'examen foetopathologiqueIl est présenté comme une intervention chirurgicale destinée à compléter le bilan de la malformation diagnostiquée en anténatal.  Il s'agit d'un acte respectueux, non mutilant et respectant l'intégrité de l'enfant.  La restauration tégumentaire est assurée quel que soit l'âge gestationnel et même si les parents ne veulent pas voir l'enfant, ni assurer ses funérailles.  Le couple est informé qu'après l'examen, le corps de l'enfant n'est pas abandonné au laboratoire de foetopathologie, mais revient rapidement à la chambre mortuaire de la maternité.  L'autorisation parentale d'autopsie est demandée systématiquement, quel que soit l'âge gestationnel, qu'il y ait ou non acte d'état civil.  Dans ces conditions, les refus d'autopsie sont exceptionnels.  Les résultats de réexamen seront transmis lors de la consultation postnatale par l'obstétricien référent ou le généticien.

A l'issue de cet entretien qui nécessite écoute et disponibilité, une fiche de transmission pour l'équipe du bloc obstétrical est remplie.  Y sont notés les souhaits (a priori mais jamais définitifs) et les incertitudes des parents quant à ces propositions.  Les souhaits sont très différents selon les parents, voire au sein d'un couple, et l'attitude finale souvent différente du souhait initial.  Le temps entre l'annonce et l'hospitalisation ne doit pas être vécu par les parents dans la solitude et implique un soutien par l'obstétricien référent en liaison avec le médecin traitant.

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Hospitalisation avant l'accouchement

Lors de l'hospitalisation dans le service de pathologie maternelle et fœtale, l'accompagnement par les sages-femmes est capital.  Elles complètent les explications données, évaluent l'état psychologique du couple et apprécient son évolution.  Elles travaillent en liaison avec l'obstétricien pour aider les parents à préciser leurs souhaits et font appel aux intervenants qu'elles jugent nécessaires en fonction de l'état et de la demande des parents (psychologue, pédiatre, référent médico-administratif, aumônier ... ).

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L'accouchement

Après la mise en place d'une analgésie et la réalisation éventuelle d'un geste foeticide, au bloc, la surveillance du travail a lieu dans le service de pathologie maternelle et fœtale, puis en salle d'accouchement.  Elle est surtout réalisée par la sage femme.  En salle de naissance, c'est la sage-femme qui est l'interlocutrice permanente et privilégiée du couple.  A l'accouchement sont présents la sage-femme, un obstétricien, et éventuellement un anesthésiste si un complément d'anesthésie est souhaité.

La présentation de l'enfant n'est jamais une obligation.  Il faut cependant savoir inciter le couple, parfois de façon répétée, pour qu'il soit soutenu et ose surmonter son angoisse.  Parfois, seul un des parents souhaite rencontrer l'enfant.  Cette présentation est réalisée par un soignant (sage-femme, obstétricien, pédiatre, puéricultrice ... ), disponible et respectueux des parents, à l'écoute de leurs désirs.    

Dans ces conditions, il n'y a dans notre expérience que peu de limites concernant le terme et l'aspect de l'enfant.  Il s'agit d'une présentation humanisée, d'un fœtus qui devient effectivement un enfant quand il est prénommé, nettoyé, habillé (habits apportés par la famille ou donnés par l'hôpital), présenté dans les bras du soignant.  Le toucher de l'enfant est favorisé afin d'éviter au couple des regrets ultérieurs.  Les parents demandent parfois à un soignant de baptiser l'enfant en urgence pendant son court temps de vie.  Ces rencontres avec l'enfant sont des moments d'émotion intenses exigeant tolérance et disponibilité de la part des soignants qui doivent songer à laisser aux couples qui le souhaitent un temps d'intimité.  Dans notre maternité, le fait de savoir que l'enfant peut être rencontré plus tard, à distance de la naissance puis au cours du post-partum, permet aux soignants du bloc obstétrical de ne pas être trop incitatifs, et aux parents de choisir les moments et lieux les plus propices à cette rencontre.

En salle de naissance, la présence d'un pédiatre nous parait importante.  Au sein de l'équipe soignante, il représente l'enfant.  Il en est le soignant privilégié, celui qui lui épargne toute souffrance pendant sa courte vie.  Il est le plus compétent pour réaliser un examen clinique complet de l'enfant décédé.

De manière systématique, des photos instantanées de l'enfant habillé sont prises par une sage-femme.  Elles sont remises immédiatement aux parents qui les désirent ou rangées dans le dossier.  Ces photos sont volontiers "exposées" par les mères dans les chambres.

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Après l'accouchement

Les parents et leur famille sollicitent très souvent les sages femmes, le référent médico-administratif ou l'agent de la morgue pour voir ou revoir l'enfant dont le corps est déposé à la chambre mortuaire de la maternité.  Les parents peuvent ainsi passer de longs moments d'intimité avec leur enfant, le bercer, lui parler, le pleurer.  Rares sont les abus.  Finalement, les parents sentent d'eux-mêmes le moment et la nécessité de la séparation qui vient alors s'imposer.  S'ils n'en ont pas eu la possibilité avant, beaucoup de parents désirent alors revêtir l'enfant de linge personnel.  S'ils le demandent et l'autorisent, une présentation de l'enfant à la famille élargie peut se faire.  Elle a lieu dans la chambre de la mère ou à la chambre mortuaire de la maternité.

Une dizaine de "belles" photos de l'enfant sont réalisées.  Les films et leurs développements sont intégrés au budget de service.  Certains parents demandent à être photographiés avec l'enfant dans les bras et/ou désirent des clichés de l'enfant entouré d'objets choisis spécialement pour lui : nounours, poupée, fleurs, dessins de la fratrie, photo des parents en mariés, croix et images religieuses, etc.  Rarement l'état de l'enfant n'en permet pas la réalisation.  Après la sortie, si les parents désirent les récupérer, ils choisissent de venir les chercher à l'hôpital ou de les recevoir par courrier.  Ces remises de photos sont souvent l'occasion pour les familles de parler de leur enfant, de la fratrie et de leurs préoccupations.  Les photos constituent des souvenirs de qualité.  Elles permettent aux mères de retrouver leur enfant.  Elles ont aussi une fonction déculpabilisante pour certaines mères qui s'en veulent d'oublier les traits de leur enfant.  Placées dans un album familial, elles sont souvent montrées aux frères et sœurs, à la famille, aux amis.  Agrandies, elles ont été placées en médaillon sur des plaques funéraires au cimetière.  Elles sont aussi un moyen de rencontrer l'enfant pour des parents qui n'ont pas pu le faire pendant le séjour à l'hôpital.  De même, en choisissant soigneusement les prises de vues on peut offrir aux parents un cliché d'enfant quand l'équipe médicale n'a pas pu montrer le nouveau-né tant ses malformations étaient importantes.

Les photos, comme le bracelet de naissance remis avant la mise en bière, les échographies et les certificats d'accouchement et de naissance, constituent des preuves tangibles de l'existence de l'enfant.  De nombreuses équipes (2, 3) insistent sur l'importance de la constitution de telles traces utiles pour que l'enfant prenne place dans la mémoire de ses parents.

Au cours des quelques jours avant la sortie, il convient également de préparer le couple au retour à domicile qui se fait sans enfant.  C'est un moment où il nous semble important de proposer une consultation psychologique qui peut être selon les cas une simple prise de contact, un entretien ou le départ d'un suivi prolongé.  C'est également le temps de la déculpabilisation si les parents n'ont pu ou n'ont pas souhaité voir l'enfant et aussi un temps de préparation et d'aide à l'annonce du décès aux membres de la fratrie, à la famille et à l'entourage si cela n'a pu être fait auparavant.  Avant la sortie de la mère, les coordonnées téléphoniques des différents intervenants (obstétricien, référent médico-administratif, psychologue, généticien, etc.) sont données au couple et le rendez-vous de consultation postnatale avec l'obstétricien référent est fixé.

C'est aussi pendant l'hospitalisation après l'accouchement que l'équipe doit aider les parents à effectuer les formalités administratives et à organiser les funérailles.  C'est le temps "du père" et de la famille élargie.

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Déclaration à l'état civil

Au sein de l'équipe, compte tenu des conséquences juridiques, civiles et sociales des déclarations (ou non) à l'état civil (cf article M. Dumoulin), nous avons décidé de favoriser au maximum les déclarations à l'état civil des enfants décédés en période périnatale, y compris à l'issue d'une I.M.G. Dans les cas où l'enfant ne peut être déclaré (enfant né mort entre 22 et 28 SA), nous établissons et délivrons à la mère un certificat médical d'accouchement et de naissance (et non d'avortement tardif ou de fausse-couche) où figurent le prénom de l'enfant, son sexe, son poids, ainsi que la durée de la gestation.  Plusieurs parents l'ont d'ailleurs agrafé dans leur livret de famille.

Pour les soignants, la loi de 1993 a engendré 4 cas différents de décès d'enfant en maternité (enfant né vivant > ou < 22 SA, enfant né mort > ou < 180 jours de gestation).  Quatre dossiers constitués pour les sages-femmes contiennent, en plus des demandes d'examens médicaux, les formulaires administratifs adaptés à chaque situation.  En cas de difficulté (signes de vie "douteux", terme de grossesse imprécis, border line : 22 SA si vivant, 27 SA et 5 j si mort-né, naissance gémellaire ... ), aucune décision n'est prise la nuit ou le week-end.  L’urgence n'existe pas en matière de déclaration.  Par contre, les erreurs sont difficilement corrigibles.  Elles engendrent des démarches très lourdes auprès du Procureur de la République et leurs conséquences sont préjudiciables aux familles.

Pour faciliter les démarches administratives des déclarations à l'état civil, plusieurs dispositions ont été prises.  Un référent médical et un référent administratif assurent la liaison avec les familles dans un bureau particulier.  Pour la déclaration de naissance, à la demande de l'équipe médico-administrative de la maternité, un bureau d'état civil naissance de la mairie de Lille a été installé dans la maternité.  Pour les déclarations de décès à effectuer obligatoirement en mairie, si la mère hospitalisée est seule ou quand les parents le souhaitent, c'est le vaguemestre de l'hôpital qui s'en charge (sauf quand il s'agit d'un couple non marié, le déclarant doit être alors le père s'il veut figurer en tant que tel sur l'acte d'enfant sans vie, cf. article M. Dumoulin).  Aux pères qui le réclament, nous établissons des certificats de naissance et de décès, de déclaration à l'état civil et d'organisation de funérailles à destination de leur employeur ou de leur mutuelle.

Les droits civils, administratifs et sociaux, en fonction du type de déclaration à l'état civil, sont expliqués aux familles par le référent médical.  Après la sortie, leurs respects sont vérifiés.  C'est d'ailleurs une autre mission du médecin énoncée dans l'article 50 du code de déontologie médicale (décret du 06/09/95): "Le médecin doit faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit".  Pour les droits sociaux, il s'agit de contacter les organismes sociaux, et particulièrement les commissions de recours gracieux des caisses de sécurité sociale, des mutuelles, les employeurs, proviseurs de lycée (pour les patientes mineures), etc.

Les problèmes se résolvent par l'établissement de certificats médicaux attestant, selon les cas, de la viabilité et/ou de la vitalité de l'enfant et de son décès, de l'hospitalisation de la mère, de la justification d'une rééducation postnatale ou d'un transport par ambulance, etc.  Ces envois sont accompagnés de photocopies des textes législatifs en vigueur.  En matière de droits civils (non-déclaration, inscription sur le livret de famille, transport de corps, autopsie, impossibilité de funérailles, etc.), les sollicitations parentales viennent essentiellement d'autres centres hospitaliers.  Les démarches auprès des administrations hospitalières, des autorités municipales (mairies, cimetières), des Procureurs de la République, voire de la Chancellerie, sont expliquées aux parents et accompagnées.

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Rituel d'adieu et funérailles

Les parents disent combien ils sont persécutés par l'ignorance du devenir du corps de leur enfant ou par les pratiques d'incinération comme et avec les déchets hospitaliers.  De même, de nombreux soignants (4) trouvent intolérables les pratiques de traitement collectif des corps d'enfants décédés en tant que "pièce anatomique" et disent être mis en très grande difficulté face aux demandes des parents quant au devenir de l'enfant.

Nous avons donc cherché, pour tous nos patients âgés d'au moins 22 SA, déclarés ou non à l'état civil, pris en charge ou non par leurs parents, un devenir décent et respectueux de leurs corps, plus conforme au principe éthique de respect du corps humain tel qu'il est édicté dans la loi de bioéthique (L 94-6532). Nous n'avons pas envisagé de faire signer un "abandon de corps" aux parents qui ne pouvaient pas ou ne souhaitaient pas prendre en charge ce devenir.  En effet, l'abandon qualifie le fœtus de "pièce anatomique" (cf. article M. Dumoulin), ce qui oblige l'hôpital à "l'éliminer" comme tel, et risque de culpabiliser ultérieurement certains parents.  Depuis, nous avons été confortés dans cette attitude par les témoignages émanant de centres hospitaliers usant de cette pratique.

Une démarche collaborative (soignants et directeur administratif de la maternité) auprès des responsables de la ville de Lille a abouti, en novembre 1994, à la création d'un lieu d'inhumation pour les "fœtus" non déclarés de 22 SA ou plus.  Peuvent aussi y être inhumés les enfants déclarés dont les familles ne peuvent assurer les funérailles.  Un permis d'inhumer est délivré et l'enfant est inscrit sur le registre du cimetière.  Accueilli pour 5 ans en service ordinaire (gratuit), chaque enfant a un petit lopin où reposer avec une plaque portant son nom, son prénom.  La famille peut y déposer des plaques, des fleurs, des photos.  Une exhumation et un transfert secondaire du corps dans un autre cimetière sont toujours possibles.  Après 5 ans, les "restes" sont placés dans l'ossuaire du cimetière.  L’existence de ce cimetière se révèle très importante pour beaucoup de couples qui nous racontent leurs visites régulières à l'enfant et l'aménagement progressif des tombes.

En ce qui concerne les fœtus de moins de 22 SA, en conformité avec les textes européens et depuis juillet 1996, les corps sont incinérés en cercueil collectif au crématorium et les cendres déposées au pied d'arbres.

Les funérailles et les rites qui les entourent constituent les derniers moments autour du corps de l'enfant.  Il nous est apparu impensable, en tant que soignant, d'abandonner les parents pour cette ultime étape.  Toutefois, permettre et aider à la libre expression des rites funéraires à l'hôpital exige des soignants et des administratifs concernés une formation aux textes qui régissent les opérations funéraires et une collaboration intelligente avec les agents de la morgue de l'hôpital, les représentants du culte, les employés municipaux des cimetières et les entreprises de pompes funèbres.

Quand la famille choisit d'assurer elle-même les funérailles, les référents médico-administratifs sont souvent sollicités (contact avec les pompes funèbres, choix du cimetière ou crématorium, du devenir des cendres ... ). Nous conseillons aussi aux parents, quand l'enfant a été déclaré, de prendre contact avec leurs mutuelles qui prévoient souvent un forfait "obsèques".

Quand la famille ne prend pas en charge les obsèques, c'est l'hôpital qui les assure.  Le cercueil est fourni par l'hôpital; le transport jusqu'au cimetière assuré par le fourgon funéraire du C.H.R.U., le terrain offert par la ville.  Tout est ainsi gratuit pour les familles.  Après avoir plutôt orienté les familles vers une prise en charge des funérailles par l'hôpital (pensant soulager les parents), nous aidons maintenant les familles à inhumer ces enfants avec les autres défunts de la famille.  Cela permet une meilleure intégration de l'enfant dans l'histoire de la famille et respecte le souhait de certains parents de consacrer un budget parfois important à l'organisation de ces funérailles.

La mise en bière est effectuée à la morgue de la maternité par un soignant, un agent administratif, un parent, ou par l'agent des pompes funèbres.  Progressivement à l'initiative des parents, d'un aumônier et des membres de l'équipe médico-administrative, un rituel d'adieu religieux ou profane a été mis en place.  Ce rituel, proposé pour les enfants âgés d'au moins 22 SA, s'exprime sous des modes très divers selon les familles et les cultures.  Certaines toilettes sont ritualisées, des habits mortuaires peuvent être apportés, ce peut être aussi un simple linceul.  Des objets sont souvent amenés par les familles ou les amis pour entourer l'enfant dans le cercueil.  Ils sont d'expressions très diverses : fleurs, médailles, dessins d'aînés, textes dédiés à l'enfant, photos de famille, jouets, ours en peluche de la maman, mouchoir ou foulard parfumé de la mère, etc.

La durée du rituel d'adieu est courte, de dix à trente minutes.  L’enfant repose dans son cercueil ouvert ou fermé, il peut être aussi dans les bras de ses parent.  La cérémonie se déroule dans une pièce de la morgue ou dans le lieu multiculturel, en présence des parents et souvent de la famille élargie et des amis.  Un ou plusieurs représentants de l'équipe soignante sont à côté des parents lors de cet adieu.  Quelques parents, dans l'incapacité d'organiser une cérémonie d'adieu ou simplement d'y assister, désirent qu'une prière d'intention soit dite par l'aumônier lors de la mise en bière de leur enfant.

Pour les fœtus de moins de 22 SA, aucune aide "aux obsèques" n'est proposée spontanément.  Nous intervenons cependant si une demande parentale s'exprime (assez rare).  Les démarches administratives sont, dans ce cas, importantes mais non insurmontables.  Les familles parviennent ainsi, surtout dans les villages et petites villes, à inhumer l'enfant dans un caveau de famille ou dans un endroit du cimetière communal.  La crémation collective en crématorium, pour les "fœtus" de moins de 22 SA qui ne font pas l'objet d'une demande de funérailles (la très grande majorité), semble satisfaire les couples préoccupés par le devenir de leur enfant.  Toutefois, nous rencontrons des oppositions qui nous posent problème, de la part de parents dont les pratiques religieuses interdisent toute incinération.

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L'après

De nombreux parents nous contactent spontanément après la sortie de la mère.  Ces appels ou courriers interviennent souvent à des périodes particulières : date prévue d'accouchement, dates anniversaires, fêtes... Ils nous contactent également parfois pour simplement nous parler, en particulier de leur enfant mort.  Souvent ils adressent des remerciements à l'équipe.  Certaines familles établissent ainsi "un véritable suivi" qu'elles entretiennent encore actuellement.  Elles nous font part des événements de la vie qui "continue malgré tout" et, régulièrement, d'une nouvelle grossesse qui s'annonce avec les joies mais aussi les inquiétudes qu'elle provoque.  Contrairement au constat d'autres équipes (5), les femmes se font volontiers suivre par le même obstétricien pour la grossesse suivante et reviennent accoucher chez nous.

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Conclusion

201 IMG ont été réalisées à l'hôpital Jeanne de Flandre durant les années 1998 et 1999. 137 d'entre elles concernaient des interruptions à un terme > 22 SA (seuil inférieur de proposition d'accompagnement).  Parmi ces 137, 53 étaient des IMG à moins de 26 SA, 41 de 26 à 31 SA et 43 à 32 SA et plus. 69 gestes foeticides ont été réalisés. 51 enfants nés morts avant 180 jours de gestation, dont 6 après foeticide, n'ont pu être déclarés à l'état civil. 69, dont 63 après foeticide, ont été déclarés nés sans vie, et 17 ont eu un acte de naissance et décès.  Les taux (en pourcentages) d'acceptation parentale aux différentes propositions sont présentés sur le tableau ci-après.

Nous avons remarqué que le fait de donner des habits pour l'enfant est fortement lié à son âge gestationnel et que l'organisation des funérailles par la famille est très fortement dépendante de l'existence d'un acte d'état civil.  Par contre, les autres propositions sont indépendantes à la fois de l'âge gestationnel et de la déclaration'(ou non) à l'état civil.  Le taux d'acceptation parentale à certaines propositions (habits, photos, rituel d'adieu, funérailles, nouvelles) s'est accru de 1997 à 1998.  Enfin, nous n'avons pas obtenu de différences statistiquement significatives entre les taux d'acceptation parentale après IMG et après décès spontané.

Taux d'acceptation (en %)

Propositions

Global

(en %)

1997

(en %)

1998

(en %)

Évolution

(en %)

Donner un prénom  93 92 94 +2
Voir l'enfant  83 83 83 0
Prendre les photos 87 83 92 +9
Donner des habits 54 41 67 +26
Refuser l'autopsie 1.5 1.5 1.4 -0.1
Vouloir un rituel d'adieu 57 55 59 +4
Organiser des funérailles 36 23 49 +26
Donner des nouvelles 71 62 81 +19

ÉVALUATION DES PRATIQUES

Le contrôle et l'évaluation de ces nouvelles attitudes des soignants dans la prise en charge du décès périnatal sont fondés sur les impressions cliniques de l'état des parents par les soignants (obstétriciens, sages-femmes et psychiatres) et sur les appréciations maternelles des soins d'accompagnement.  Les psychiatres et psychologues de maternité (6) ont noté une diminution de la morbidité maternelle et une régression nette des deuils pathologiques depuis la mise en place de ces nouvelles pratiques.  Une forme d'évaluation repose également sur le taux important d'acceptations parentales aux différentes propositions d'accompagnement de l'équipe.  Aucun couple n'a exprimé avoir ressenti d'insistance de l'équipe soignante dans la présentation des différentes propositions, ni des regrets ultérieurs quant à son acceptation des propositions.  Enfin, de nombreuses mères, prises en charge par notre équipe lors d'un décès périnatal, nous demandent d'assurer le suivi de la grossesse suivante.

CONCLUSION

L'accompagnement que propose une équipe soignante de maternité aux parents confrontés à une interruption médicale de grossesse doit tenir compte à la fois des contraintes liées à la prise en charge obstétricale et aux dispositions législatives concernant l'IMG, mais aussi du respect des principes éthiques retenus par l'équipe.  Cependant, une large part d'autonomie peut être donnée aux parents dans la décision d'interrompre ou non la grossesse, d'accueillir ou non leur enfant décédé, de prendre ou non les photos, d'autoriser ou non la réalisation d'un examen foetopathologique, de réaliser ou non un rituel d'adieu, d'organiser ou non des funérailles, d'y assister ou non.

L'observation clinique nous montre que les parents, soutenus par les soignants et souvent par la famille, savent toujours finalement choisir et se positionner. Il est exceptionnel qu'ils occultent totalement la réalité de l'enfant mort.  Que ce

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Bibliographie                                 

I. VALAT A.S., DUMOULIN M., BITOUZÉ V., DEHOUCK M.B., DEPORTEERE M.H., PUECH F. L'interruption médicale de grossesse : du vécu des femmes à la pratique obstétricale.  Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, Paris, Volume 25, N° 7, 1996.

2. RADESTAD I., STEINECK G., NORDIN C., SJÔGREN B. Psychological complications after still-birth, influence of memories and immediate managements : population based study.  British Medical Journal, 1996. vol. 312, 7 045, p. 1505.

3. ROUSSEAU P. Psychopathologie et accompagnement du deuil périnatal. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, 1988; 17 : 285-294.

ROUSSEAU P., FIFRENs R.M. Evolution du deuil des mères et des familles après mort périnatale.  Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, 1994; 23 : 166-174. 

4. LECROS J.P. Avenue i, Division 102.  Le devenir des corps au cimetière parisien de Thiais, un parcours initiatique, G. Delaisi "Requiem pour des mort-nés sans sépulture".  Ouvrage collectif : Le fœtus, le nourrisson et la mort, Ed.  L'Harmattan.  Paris, 1998, 197-205.

5. COURVOISIER A. Le deuil de l'enfant mort-né. lit : Rites et Rituels, Etudes sur la mort, collection l'Esprit du Temps, N°114, 1998.

6. DAVID D. Anomalies fœtales, deuil et représentations psychiques.  Ouvrage collectif : "Mourir avant de naître", Ed. 0.Jacob.  Paris. mai 1997, 83-88.

DELAisi G. Les deuils périnataux.  Revue Etudes.  Paris, novembre 1997,457466.

* Service de Pathologie Maternelle et Fœtale.  Hôpital Jeanne de Flandre - LILLE.

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